Biographie. Préambule

     

 

       Le projet d’une biographie de Georges Rocal est pour moi une histoire presqu’ancienne, ébauchée à l’occasion du centenaire de sa naissance dans un numéro du Bulletin de la Société Historique en 1981. Je m’étais alors surtout intéressé a son œuvre d’historien et de découvreur des traditions périgordes, démarche que dans les années 1920 on qualifiait de folk-lore. Pour le reste il me semblait que le chemin des sources se trouvait dans la mémoire saint-saudaise dont l’interrogation était une entreprise pour laquelle il fallait une matière première dont j’étais alors bien dépourvu : le temps… A mesure qu’il s’écoulait s’éteignaient les unes après les autres ces mémoires. Voici quatre ans disparaissait t celui avec lequel nous avions beaucoup évoqué ce projet, Louis Grillon qui le connaissait bien et partageait avec lui un amour pour le monde cistercien en général et Peyrouse en particulier. Une nouvelle chance s’envolait. C’était aussi une forte invite à reconsidérer les choses.

 

        Le double tournant fut 2009. Cette année là fut d’abord celle où disparut ma mère qui parlait avec tant d’admiration du « Vieux curé ». Ce genre de propos nous le verrons n’était pas si fréquent à Saint-Saud ! Mais surtout ce fut la « reviscolance » de l’association du Souvenir Georges Rocal : qu’un petit groupe de saint-saudais cherchait un cadre pour conduire une activité de travail sur le patrimoine et l’histoire de cette commune du Nontronnais. Sur la commune de Georges Rocal, la référence était incontournable à condition de modifier le titre pour annoncer le nouvel objectif. Ainsi naquit l’Association Georges Rocal pour la promotion de l’Histoire et du Patrimoine de Saint-Saud. Dans le même temps, à l’occasion d’un colloque sur la Deuxième Guerre mondiale en Dordogne je fus conduit à reprendre des sources que je connaissais déjà pour évoquer un itinéraire en Résistance au moins original. Quelques mois plus tard le filleul de Rocal nous livrait des sources d’une valeur conséquente. Tout changeait donc désormais : sans exclure la mémoire locale, c’est l’abondance des sources écrites qui donnait le chemin à suivre.

 

       Publier sous forme de livre une biographie pouvait devenir un objectif. Mais pourquoi ne pas utiliser des raccourcis ? Après tout les éditeurs sont toujours hésitant sur un sujet qu’ils trouvent trop local. Par ailleurs comment dissocier l’ouvrage de ses sources ? Il semble qu’Internet soit au fond le moyen, en attendant d’autres de mettre à disposition et les sources et une histoire de l’homme. C’est l’objectif de ce site. Sa souplesse permettra une publication progressive de l’ensemble. Le livre est ou il n’est pas. Le site a la plasticité qui permet des constructions progressives. Et le risque de pillage quand on voit certaines publications des vingt dernières années en Périgord ne s’embarrasse point du « copyright » ! On se plaindra de voir les échafaudages. Au moins aura-t-on au moins une vue progressive  de l’édifice. Bon courage donc  pour cette découverte a vous qui venez sur ce blog.

 

       Avant d’aborder la vie de Rocal il convient tout de même de rappeler que si c’est sous son nom d’écriture qu’il est devenu célèbre, il est d’abord pour l’état civil et religieux, Georges Julien et l’est exclusivement pendant les quarante premières années de sa vie. Précision important afin de ne point dérouter le lecteur. Car, même avant l’invention du pseudonyme comment s’interdire l’usage d’un nom qui nous est si familier. Que le lecteur ne se laisse point dérouter !

 

      L’histoire de Georges Julien - Rocal a des scansions qui se prêtent bien au récit. Ses différentes activités appellent aussi l’histoire thématique. C’est donc ce choix que nous adopterons, quitte s’il se révélait décevant à remanier tout cela

 

       Mais ce choix impose une vue d’ensemble. On la trouve déjà sur le site Georges Rocal qui  présente une succincte biographie. Cinq étapes peuvent être distinguées dans la vie de Rocal.

 

-La  première est celle de la formation et des débuts dans le sacerdoce (1881-911). Faute d’éléments biographiques personnels, au moins frappe un point : c’est la part militante qui trouve sa source dans le choix du Sillon de Marc Sangnier. Il nous permet de rattacher la jeunesse de Rocal à ce temps si particulier de l’histoire de l’Eglise de France que furent les années de la Belle Epoque, celles de l’affrontement avec la République mais aussi des magnifiques espoirs nés du pontificat de Léon XIII et malgré la reprise en main qui s’opéra sous Pie X dont le mouvement de Marc Sagnier fut d’ailleurs l’une des principales victimes.

 

-L’ardeur missionnaire, le goût de l’apostolat social, la violence du verbe politique aussi ont ainsi fabriqué le curé qui arrive à Saint-Saud en 1911, l’année de ses 30 ans, 7 ans et trois cures après son ordination par Mgr Delamaire, évêque combattant s’il en fut ! Commence alors un long ministère, d’abord très innovant (1911-14) Mais la guerre constitue un tournant dans la vie de l’abbé Julien. Moins à cause des deux années au front que par les expériences amères qu’il endure après l’affaire de la mobilisation et l’affrontement avec son confrère de Champs-Romain. C’est un autre homme qui apparaît dans les années Vingt. La  volonté pastorale s’affaiblit. C’est le temps de l’inventaire des échecs. C’est aussi le début de l’écriture. D’abord suite à l’observation des coutumes locales qui au 3° ouvrage aboutissent au très beau Croquants du Périgord.

 

 -Les années Trente voient se construire l’œuvre historienne : une nouvelle affaire et un long procès sont suivis d’un apaisement que permet d’observer le mémoire de la visite de Mgr Louis en 1934. D’ailleurs Rocal est désormais reconnu : la Légion d’honneur vient reconnaître la qualité d’une œuvre qui construit l’histoire du Périgord entre les deux Napoléon.

 

        La guerre le surprend alors qu’il achève l’histoire du Périgord sous le Premier Empire. La guerre et surtout une défaite qui le meurtrit profondément comme le montrent son livre-journal de septembre 1939 à la fin de 1941. Et puis c’est l’entrée en Résistance, l’une des très belle période de sa vie qui le voit achever son ardeur d’aumônier du maquis sur le front de Royan où le général Adeline le couvre de lauriers et de trois décoration majeures (Croix de guerre, Rosette, médaille de la Résistance).

 

        La maladie le ramène dans un Saint-Saud où les tensions d’après guerre sont lourdes. Très vite pourtant, en même temps qu’il est de toutes les célébrations de la Résistance, le voici reprenant la plume pour achever son tableau historique avec la Seconde Restauration. Comme les mots ont souvent plusieurs sens c’est en même temps une autre restauration qu’il entreprend : c’est la nouvelle épopée du curé bâtisseur qui dote la commune d’une œuvre où tout en conservant l’essentiel de l’architecture romane, il en appelle aux verriers et aux  fresquiste pour livrer un chef d’œuvre d’art contemporain dans ce qui se veut modeste comme une robuste église de campagne et splendide comme un palais de Dieu.

 

     A peine l’église bénite, il quitte à soixante dix sept ans sa paroisse après un quasi demi-siècle de ministère pour rejoindre l‘amie tant chérie, Félicie Brouillet à Augignac. Il y fêtera son jubilé sacerdotal en 1964 trois avant sa mort survenue le jour de l’anniversaire de ses 86 ans.

 

         On  aura déjà compris à cette évocation le sens du titre « Un Sillon dans le granite ». C’est avec les ardeurs du militant du Sillon que Rocal tenta de ramener à l’église les paysans du nontronnais qu’on lui avait confiés. Mais on l’aura compris aussi : l’image évoque la dureté de l’opération et les déboires du curé qui feront l’objet de notre première partie. Pourtant creuser ce sillon, ce fut aussi la mission de l’historien qui voulut d’abord rechercher les traditions enfouies et leurs racines historiques avant que d’évoquer l’histoire du XIX° siècle périgourdin.

 

      Entre les deux, ce briseur de roc fut aussi un grand résistant et cette partie de sa vie tient une place à part dans la mémoire du Périgord. C’est pourquoi nous l’évoquerons à part avant de tenter de comprendre ce qui fit l’unité de la vie de ce prêtre si peu conformiste et pourtant si plein d’ardeur et de foi.

 

      Le lecteur pourra découvrir peu à peu la construction. Nous l’invitons à la patience et aussi à l’espérance. Foi de Nontronnais : les sillons dans le granite ont une productivité médiocre (et nous espérons être ici un peu meilleur) mais leur empreinte résiste au temps.



06/06/2011

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