Un aumônier au maquis : Enjeu religieux , Enjeu politique ?

Un aumônier au maquis : Enjeu religieux , Enjeu politique ?

Le cas Georges Rocal

 

Dans le thème d’aujourd’hui qui évoque le quotidien des hommes du maquis, la question du spirituel aurait pu trouver toute sa place même si elle concernait des hommes jeunes issus de milieux fortement déchristianisés. Quel meilleur moyen d’y parvenir que livre journal d’un aumônier ? L’abbé Georges Julien (1881-1967) qui, depuis 1922, signe sous le pseudonyme de Rocal , rédige en au cours des mois de juillet 1944 à mai 1945 un journal de l’aumônerie, riche de renseignements, qui sera ici notre source première. Ce livre journal comporte deux cahiers 1: l’un a pour cadre la Brigade Rac (juillet 1944-décembre 1945 il est capitaine aumônier. Le second , tout aussi riche, évoque le début de l’année 1945 sur le front de Royan.


Il faut pourtant vite déchanter : la place de la pastorale et de ses effets apparaît beaucoup dans le second cahier alors qu’elle est très peu présente dans le premier . A ssez, pourtant, pour comprendre que les jeunes ruraux ne sont pas très réceptifs à cette question et que ce n’est donc pas par des paroles mais des actes exemplaires, y compris militaires, que doit passer l’action de l’aumônier, action d’autant plus compliquée que le refus de l’évêque de Périgueux selon la ligne officielle de l’épiscopat les oblige les à continuer leur service paroissial. C’est le premier sujet qu’évoque Rocal, passager clandestin dans le monde de la clandestinité, il construit de la façon la plus empirique son rôle d’aumônier accompagnant le maquis jusqu’aux lieux les plus exposés. C’est ce que l’on pourrait qualifier d’aspect tactique de sa fonction. Dans le même temps, persuadé que le destin de l’église se joue là, Il repose , à la plus grande échelle, le débat qui fait rage à l’automne 1944 pour écarter de leur évêché des prélats les plus engagés dans la collaboration, par leur parole ou leurs écrits.

 

 

I-UN AUMONIER CLANDESTIN DANS CLANDESTINITE de l’OCCUPATION


Dans le contexte où nous plaçons il s’agit d’abord comment Rocal construit une fonction d’aumônier dans le cadre de la brigade Rac, principale unité de la Dordogne nord, ceci sans l’autorisation de l’évêque. Dans ces conditions on pourrait l’évoquer comme un aumônier clandestin …dans la clandestinité

 

L’abbé Georges Julien, devenu « Rocal » en écriture , présidait depuis 1911 aux destinées spirituelles de la paroisse de Saint-Saud en Nontronnais. Vaste programme : près de 3000 paroissiens sur un territoire de 60 kilomètres carrés, qu’il doit visiter a pied ou à vélo, sur des routes « blanches »,sans jamais disposer du renfort d’un vicaire mais accompagné de sa « lanterne magique « pour évangéliser ses paroissiens rassemblés par hameaux. Très marqué par son adhésion au Sillon2 durant ses années de séminaire, le curé de Saint-Saud a voulu faire partager à ses ouailles le nouveau mode de pastoral qui s’est engagé en France des années 1900(difficile d’évoquer le terme de « Belle époque pour l’Eglise de Pie IX). Pendant les quatre premières années de son ministère, il est le curé actif qui s’intéresse à tous les aspects de la vie communale, se faisant l’apôtre du progrès agronomique, poussant à la forme d’organisation nouvelle que représente le syndicalisme paysan, le tout passant très mal du côté des conservateurs parmi lesquels se trouve un rédacteur du journal de Maurras qui se demandent comment un curé digne de ce nom pourrait introduire au village le recours aux syndicats. Le bulletin paroissial qui court sur la période 1911-1914 est un journal de combat qui, en dehors des pages réservées à la vie paroissiale, attaque avec la violence de ces temps ,les tenants de la laïcité et les membres de la franc-maçonnerie. Tous les paroissiens recevant ce bulletin, n’apprécient guère ces attaques. Malgré celles-ci (ou peut-être à cause de) l’élection de 1913 est une lourde défaite du conservateur Réjou qui imprimait le journal il doit se contenter de 28 voix. Ceci quand, les diverses formations de gauche en totalisent plus de 500.


La Grande guerre commence à Saint-Saud, par une émeute dirigée contre le curé : en ce mois d’août 1914 l’heure est aux rumeurs les plus invraisemblables que Rocal rappellera dans Croquants du Périgord3 . Dans ces conditions il abandonne son approche d’avant-,garde il revient à une pastorale très traditionnelles et use des loisirs qu’elle lui procure4 En même temps, pour comprendre les comportements superstitieux il se fait ethnologue et qui ausculte dans les vieilles coutumes religieuses et magiques du Périgord5d’abord avec un objectif religieux puis suivant les orientations d’une ethnographie au moment où Van Guenep6 puis René Sédillot 7 ont donné un nouvel élans sous le concept de folk-lore. A partir des années trente débute l’œuvre historique : il y étudie, au rebours de la chronologie l’histoire politique de la Dordogne du Consulat au coup d’état de 1851.La reconnaissance qui lui revient se concrétise par la légion d’honneur dont il est décoré en 1938.


Un premier livre-journal (1939-1942) nous le montre abasourdi par la défaite suivant d’abord avec intérêt les premiers pas de la Révolution nationale dont il attend qu’elle mette rapidement par son action morale les Français en mesure de laver leur honneur face à l’Allemagne où plut^$ot à ceux qu’il appelle « les Boches ». Son parcours de Seconde Guerre mondiale est classique à ceci près que la prise de risque est quand on l’entend, dans le sermon du 1°où dressant un tableau apocalyptique de la dictature et traitant Hitler de « monstre ». Son entrée officielle dans les structures de la Résistance date du second semestre 1943. Avant cette date, joignant le geste à la parole, il a ouvert son presbytère à des familles juives. Mais a  été aussi l’un des agents de la capitaine Claude Il passe tout près d’être arrêté en avril 1944 où il se réfugie en Charente et revient à Saint-Saud à l’heure de la levée en masse du Débarquement.


2 la Brigade RAC


C’est dans la première quinzaine de juin que s’est organisée la Brigade Rac

qui doit son nom a son chef, Rodolphe Cézard dir « Rac » . Celui-ci qui s’était vu confier, fin 1943 par le responsable Combat de Dordogne Nord, Charles Serre, la direction de l’AS 5 Dordogne Nord des limites de la Haute Vienne à celle de la Corrèze. Début 1944, la sécurité le conduit à s’installer dans un gros hameau de la commune de Saint-Saud, le village des Farges.. A quand remonte cette complicité des deux hommes.Mais les liens avec cet officier lorrain réfugié à Thiviers s’étaient noués en 19438.


Au lendemain de la levée en masse du 6 juin, les maquisards de Dordogne Nord sont organisés en trois bataillons eux même divisés en un nombre variable de compagnies. Le refus du STO organisé par les résistants et l’abbé Julien paraissant avoir eu de nombreux effets. En tous cas le 6° compagnie qui regroupe les jeunes de deux communes, St Saud et Mialet comptait 150 hommes. A lui seule le 2°bataillon comte 7 compagnies.


L’assistance religieuse et la nomination d’un aumônier n’intervint que fin juillet. C’est le moment où vient d’échouer l’action des Allemands et de la milice pour reprendre Nontron : moment décisif car Nontron sera le seul des arrondissement de la Dordogne à n’avoir pas été repris. Mais la victoire de Javerlhac a coûté cher en homes, tués ou blessés ue les victimes et il n’est pas illégitime de poser la question de leur assistance religieuse. Cette attaque a aussi une autre conséquence : on a transféré la prison de Nontron dans le château de Beynac sur la commune de Saint-Saud , et dans celui de la Coussière pour soigner les blessés. Y ont été aussi transférés des prisonniers allemand et des membres de la Milice arrêtés en juin. Comme l’épuration débute par des exécutions sommaires, on peut estimer que les victimes ont aussi besoin de son assistance et que les prisons doivent être visitées par un prêtre. Reste que ces arguments comptent peu dès lors que l’évêque s’oppose à la demande de nommer des aumôniers au maquis.Il semble que Rocal ait insisté auprès des officiers à créer ces aumôneries service que réclamait aussi Rac .


Une clandestinité dans la clandestinité


Le principe de la création d’une aumônerie est donc arrêté le 25 juillet 1944 lors d’une réunion de L’Etat Major à l’hôtel Lastère à Saint-Saud. Rocal devait le rappeler quelques jours plus tard : il s’agit bien d’un fait de son initiative. . Elle est effective au 31 août comme le rappelle le livre-journal : « Visite au presbytère de St SAUD de M le capitaine Frichert, chef des transmissions au QG du secteur Nord et chef d’Etat Major du capitaine RAC.IL m’annonce que je remplirai les fonctions d’aumônier divisionnaire avec le grade de capitaine. Je demande que M l’abbé Delpech me soit adjoint. L’abbé Albrecht est aumônier du 1°B, l’abbé Giry curé de la Coquille, du 2°, l’abbé Longiéras, curé de Corgnac, celui du 3°.Je dois préparer une lettre pour obtenir l’agrément de Mgr Louis, évêque de Périgueux. Nous recevons bonnet de police, ceinturon, brassard, godillots.

Cette structure fut remaniée le 9 septembre au moment de l’installation à Saujon et figure dans le dossier ONAC : le remaniement excluait Albrecht dont les épisodes d’affrontement avec Rocal figurent largement dans le livre-journal de l’aumônier. Il passa a la brigade Rac pour le service des hôpitaux- dans le livre-journal : on ne compte pas les épisodes de cet affrontement Le journal de Rocal trace en Albrecht la caricature d’aumônier et s’en prend d’une manière plus générale aux Lorrains. Ainsi se dégage un nouveau tableau de service : le 2°bataillon Delpech ,tandis que Ferry reçoit les fonctions d’aumônier de la prison de Beynac, . Enfin l’aumônier-chef, Rocal avec le titre de capitaine, est aussi chargé de l’organisation de l’encadrement spirituel de la brigade des protestants et israélites. –Mais les aumôniers du maquis clandestins restent en charge de leurs paroisses, faute qui est loin d’être sans conséquence sur leur service au près des maquisards.

A travers ces deux approches de l’aumônerie et de l’unité combattante, on perçoit d’entrée de jeu le caractère très précaire de cette organisation que masquent mal l’attribution de grades auquel l’aumônier chef pouvait ne pas être insensible. En même temps, cette semi-clandestinité posait de sérieuses questions : les trois aumôniers des bataillons sont-ils connus pour leur sympathie avec la Résistance ou réquisitionnés ? La réponse est claire pour l’adjoint de Rocal, Delpech, vicaire à Nontron) et le Lorrain Albrecht quels que soient ces traits de caractère (prêtre lorrain) aumônier du 1°Bataillon. Pour les deux autres, l’un disparaît très vite (Longiéras) l’autre affiche un goût modéré pour la présence au front (Boyer). La forte autorité de Rocal , dans la mesure où elle n’a aucun point d’appui religieux fait son chemin compliqué : c’est au fond ainsi que se construit un profil d’aumônier.


L’ordre de mission du 1° août montre la complexité de la situation : faute d’une décision épiscopale les nommant officiellement,, ils ne peuvent pas être déchargés du service de leur paroisse et doivent résider dans leur presbytère assurant les missions du maquis en fonction des besoins. Rocal à en outre insisté sur une autre mission : celle de la visite aux prisons du maquis et notamment à celle de Beynac  Ces deux aspects peuvent peut être mieux faire accepter ce rôle.


La présence de l’aumônier aux armées est un point que Rocal a souvent débattu avec son ami du Sillon Jean Sigala dont il a déjà été question9.Les lettres de celui-ci ,tant pendant la guerre de 1914-18 qu’au sein des corps francs de 1939, ont toujours revendiqué pour l’aumônier une place en première ligne, là où les hommes tombent .Quitte aussi à s’associer à l’action militaire : baroudeur, l’abbé Sigala10, n’y manquait jamais comme en témoignent son journal de guerre. Il récidiva en 1939 faisant partie des corps francs qui refusent l’inaction la « drôle de guerre » Et il est possible que c’est à son image que Rocal se veut près des hommes.


Ainsi le voit-on dans les escarmouches du Pont de la Beauronne à l’entrée de Périgueux où il revendique pour la 6° compagnie d’avoir libéré la ville ! Angoulême c’est plus net encore : il faut lire ici le passage consacré à l’entrée dans la ville où il est pris sous le feu et blessé. Cette vigueur de la présence de cet homme âgé de 64 souligne avec énergie que la juste place des aumôneries est de contribuer à des combats qui rendront à la France sa dignité.


Il note d’ailleurs ses appréciations sur ses confrères en charge du maquis cette aune. Il est enthousiaste pour souligner le courage des abbés Delpech et Magnien. Le premier, auquel l’attache une affection quasi paternelle, a droit à tous éloges pour ses qualités de baroudeur. Ainsi lors, de la cérémonie des obsèques des soldats tombés devant Angoulêmeême, à Nontron, le 3 septembre   l’abbé Julien n’hésite pas pour souligner :»j’insiste sur l’héroïsme de l’abbé Delpech dans les combats qui ont précédé la prise d’Angoulême, lui qu’on ne voit jamais à Nontron (cela est une gentillesse en direction dd’Albrecht,) parce que ses hommes sont en danger et qu’il tient à courir les mêmes risques. Et il associe d’un même le panégyrique du vicaire de Nontron et du curé du lieu à la bataille de Torsac. Quant à l’abbé Magnien ,« . Son action s’étend sur plusieurs groupes. Il est très aimé des soldats dont il partage la vie au titre de combattant.


Et voici, comme un double charentais de Rocal, le curé de Torsac «  il eut aussi une activité héroïque en s’informant par une longue marche à travers sa paroisse des positions de l’ennemi et en donnant a nos gars des renseignements de l’observatoire du clocher où il s’était établi jusqu’à ce que le bombardement du clocher l’en fit descendre. »


Cet éloge dissimule mal la critique qui s’inscrit en filigranne contre ceux (ici qui oublient dans le service paroissial leur engagement auprès de l’aumônier chef :, Rocal a, en outre, des mots très durs pour Giry ou Albrecht confortablement installés dans leur paroisse et peu concernés par l’assistance aux soldats. C’est dans cette catégorie qu’il range le curé d la Coquille qu’il avoue avoir «  un peu bousculé… à son arrivée à St Saud.. sans bagage il s’imaginait partir en promenade touristique de l’après midi. Je lui avais dit que, s’il n’avait pas l’intention de remplir ses fonctions selon les nécessités de l’heure, j’allais le reconduire à la Coquille et le remplacer par de jeunes jésuites.

 

Combattant parmi les combattants, l’aumônier est aussi l’homme de la fraternité sachant que le moral de ces jeunes combattants est fragile. C’est vrai à cause des risques des combats mais aussi du fait qu’ils sont éloignés de leur village à la saison qui demande le plus d’hommes, notamment pour la moisson De son côté , Rocal est (modérément !) sollicité par sa paroisse. Mais cette contrainte augmente, lorsque ce que l’on pourrait qualifier de « maquis en marche » vers Royan la double mission du curé de Saint-Saud, étant d’autant plusse plus compliquée que les distance s’allongent . A partir de la mi-septembre, sur le front de la Seudre , plus de cent kilomètres le séparent de sa paroisse. D’où les difficultés pour s’y rendre en principe chaque semaine mais aussi pour des obsèques ou des mariages. Ces déplacements toujours à la merci d’une panne des accidents est à la mesure de ces déplacements.


Mais Rocal en profite aussi pour maintenir les liaisons entre le front et l’arrière. Ainsi accompli-il, comme il le souligne une fonction de vaguemestre. Ainsi à la date du 15 septembre » Mon arrivée à Corme Roy2°B° est impatiemment attendue car je fais la poste aux armées »


, Sa mission est aussi de rapporter des colis comme en décembre «  Je devais me mettre en route avec le camion de Selprot, arrivé le 2/1 pour ramasser en Nontronnais les colis offerts aux soldats par les communes »mais aussi de rapporter à Saint-Saud le produit des « piquages » sur les Allemands.11 D’où le pittoresque de certains équipages : on le voit revenir en septembre avec un camion débordant de toutes parts !

Rocal est très préoccupé des détresses individuelle et conduit avec l’épouse de RAC un service d’assistance. Ainsi en novembre «  Je me rends à St Porchaire pour décider le service social et Mme Rac à s’intéresser à la famille de 9 enfants, la mère enceinte d’un 10° a été tuée accidentellement par un soldat manoeuvrant son arme qu’il ne croyait pas chargée/.Cette femme, dévouée à nos petits gars lavait gracieusement leur linge. Le père est ouvrier agricole. Mme Rac et moi irons nous informer sur place des besoins.


Une partie du budget de l’aumônerie est d’ailleurs consacrée à cet objet. Ainsi « Fin novembre : Les frais d’aumônerie se sont élevés à 4400F : les secours que j’ai distribués à des familles de nos soldats morts aux armées atteignent 2500 soit au total 6900 sur les 15000 reçus en dépôt. Je remets au trésorier de la brigade 8100.


Rocal paraît toujours soucieux des situations de détresse et passe en général à l’action lorsque la situation devient critique. Les soldats n’ont pas reçu depuis longtemps leur solde, constate-t-il en décembre.la détresse de certaines familles est navrante. Je vois deux gars de la musique dont j’ai entendu l’exposé de leur situation dans le bureau du service social dirigé par le capitaine Crété et Madame Rac.


Enfin l’aspect le plus paradoxal est celui de la place tenue par l’aumônier dansl’organisation des fêtes . . Ainsi lors des libérations, comme à Port d’Envaux, où non content de participer à l’organisation des bals, celui qui vingt ans plus tôt les interdisait dans sa paroisse s’installe à la batterie qu’il qualifie de « jazz »…à Laissons cet exploit qui lui fait chaud au cœur » Depuis plus de 4 ans la paroisse les jeunesse de Port d’Envaux n’a pas dansé. C’est un événement historique. Je prends part à la joie populaire et je tiens mon rôle actif au jazz où je joue tour à tour du tambour et de la cymbale. Mes gars et les gens du Port d’Envaux m’acclament. Je m’éclipse à minuit. Le voici à Jarnac offrant l’apéritif à quelques soldats : c’est outre le plaisir du partage le bon moyen de se rendre compte du pouvoir d’achat réel des soldes..Quelques gouttes de Pernod = 15F par verre, soit 60F pour les apéritifs. Je comprends que nos gars qui fréquentent assidument les cafés réclament d’incessants subsides de leurs familles…que doivent gagner les tenanciers à ce tarif de marché noir « .On le voit de même intéresser certains négociants cognaçais sont en bien fâcheuse position et qui voient en , aux protections que pourrait leur obtenir un résistant ; les bonnes relations qui s’installent lui permettent de récupérer en échange des cartons de Cognac pour ses hommes ! Et le courant passe bien. Ainsi est-il particulièrement heureux de la pérennité des liens noués quand les hommes du 2°Bataillon et de la 6°compagnie qui viennent fêter le vieil aumônier dans des retrouvailles dignement accompagnés :Au Gua, 13 sept La 6° Compagnie m’a visité. Rien n’y manque, vins fins, faisans et perdreaux. Un banquet de grande liesse.


Mais ce sont aussi des soirées de potaches qu’il décrit avec un vrai plaisir ou encore l’équipée de Corme Royal ou dans des conditions rocambolesques dont il a échafaudé le plan, il enlève une belle un peu compromise et en voie d’être tondue au président FTP du CDL de Saujon. Est pittoresque cette épopée dans laquelle trois voitures rendirent leur dernier soupir en des cabrioles spectaculaires.


A noter d’ailleurs que cette fraternité s’étend occasionnellement aussi aux FTP même si de nombreuses critiques pleuvent aussi à leur encontre dès lors qu’ils minimisent le rôle de l’AS et gonflent exagérément le leur !


Alors, a travers tout cela, quid du contenu pastoral ? Rappelons d’abord qu’en août septembre 1944, la visite des prisons de l’épuration font du service des prisonniers un élément sur lequel Rocal s’appuie pour être reconnu dan la Brigade : à cette date les prisonniers de Nontron ont été transférés sur la commune de Saint-Saud, au château de Beynac. Et Rocal qui connaît beaucoup de ces notables arrêtés pour fait de collaboration leur apporte la présence qui éclaire leur captivité jusqu’en septembre où ils sont transférés a Périgueux pour être jugés.


Plus lourde est la présence auprès de ceux qui doivent être fusillés à l’issue des jugement des SR , tribunal que dirige alors un certain Redouté. . Rocal intervient parfois aussi pour demander un peu moins de précipitation dans les exécutions tout en les acceptant lorsqu’il y a lourde culpabilité. Ainsi évoque-t-il cette juive qui va « expier sous les balles. Ainsi aussi de l’exécution des seize otages allemands en réponse à une action similaire . Il exulte de ce qu’’un petit tyrolien » hospitalisé sur la commune (au château de La Coussière) ne soit pas rétabli de si tôt et échappa ainsi aux balles. Le cahier contient des scènes assez poignantes et épinglées dans le journal de familles qui, plusieurs années plus tard cahier les lettres des familles qui veulent savoir… comme La tâche du chercheur s’accompagne d’une certaine émotion à l’ouverture aux Archives d’un carton contenant les objets trouvés sur les fusillés !


L’aumônier préside les obsèques qui deviennent aussi le lieu de justification et de glorification des maquis . C’est le lieu d’où il riposte à tous les détracteurs peu enclins à considérer le bien fondé des maquis dès lors que les miliciens et les Allemands sont partis. A Nontron, le 3 septembre, aux obsèques de 8 soldats tombés à Angoulême »Prié de parler, j’improvise un discours avec la flamme de ma foi patriotique chrétienne. »

Mais comment ne pas noter l’un des paradoxes de la situation de Rocal .Son cahier ne note de ce point de vue que peu d’allusions : on le voit très peu engagé dans une action pastorale directe auprès des hommes. Jamais de messes puisqu’il est absent le dimanche. Le pèlerinage des armées à Lourdes en décembre 1944 constitue à propos de la pratique religieuse un état qui concerne et les hommes et l’encadrement . Consigne avait été donnée par Rac et son entourage que deux soldats par compagnie y assisteraient (soit une cinquantaine d’hommes. En fait le nombre total des soldats pèlerins de la Brigade Rac se réduit à cinq, puis à ..deux . Au total Rocal part donc avec ses deux soldats et palie pour eux aux carences de l’intendance. Et s’il les nourrit et les installe il ne les retrouve guère qu’au départ où ils évoquent leur visite d’un site touristique renommé.


Dans ces conditions le bilan religieux atteint vite ses limites là où il devrait trouver son expression la plus visible ! Déjà aumônier presque sans mandat c’est un prêtre sans fonction pastorale. D’où évidemment l’urgence de poser la question : quel sens prend avec Rocal la présence de l’Eglise au maquis ?

 

III-La présence au Maquis : replacer l’Eglise au premier rang de la construction d’une France nouvelle

 

 

 

Bien qu’il ait vite déchanté quand à son rôle, Rocal n’a jamais perdu patience : quelle que soit la pratique religieuse, sa conviction que la présence de l’Eglise au milieu des combats de la Libération était d’autant plus indispensable du fait de l’attitude réputée collaborationniste.


 ! En tant qu’aumônier chef, il estime lui revenir de faire officialiser les fonctions dans le maquis par l’évêque. Or tout montre que l’entreprise ne fut pas simple : J Duquesne a longuement évoqué ce problème de l épiscopat pour des raisons qui ne sont pas de caractère local. Suivons ici le cahier. 1 août : C’est sous forme de note que la notification sera soumise à l’évêque. CE jour j’ai utilisé deux voies postale et verbale pour prévenir l’évêque avant de tenir le papier officiel. Trois jours plus tard, Rocal triomphe 4 août : Il (Delpech) m’apprend que la TSF a publié l’approbation des aumôniers du maquis par le Pape. Ainsi mon initiative reçoit la suprême approbation. J’attends, ce soir, celle de l’évêque de Périgueux . En fait il semble bien que l’on se soit fait quelques illusions. Il faut attendre encore deux semaine pour que le 20 août : Mgr Louis a fait savoir hier sa sympathie pour l’aumônerie militaire et nous atteste des ordres de la nonciature pour approbation. Je le verrai ce soir.


Le refus était prévisible :Sauf que la rencontre de l’évêque et Rocal montre deux hommes qui ont de la situation une approche très opposée. On pouvait s’y attendre mais le livre-journal montre un aumônier qui contient mal sa colère surtout quand son interlocuteur compare le Maquis et la milice.


Que dire de l’évêque de Périgueux, Monseigneur Georges Louis ancien combattant , médaillé de 1914-18, à qui on reconnaît, et l’abbé Julien le premier, d’incontestables qualités de pasteur ? En même temps, Jacques Duquesne en fait l’exemple de ces évêques que la ligne de démarcation a coupé des relations avec leur archevêque. On a bien le sentiment que dans ce désarroi la seule boussole est le Maréchal d’autant qu’encore une fois le programme de la la Révolution nationale avait le mérite de renforcer le rôle de l’Eglise.. On peut , sans tomber dans la radicalité du jugement de Golias12, trouver dans la Semaine religieuse du diocèse une adhésion totale jusqu’en 1944 et qui passe par la publication systématique des discours et des objurgation de Vichy. On a certes reconnu l’aide individuelle que l’évêque a pu apporter à certains proscrits à l’heure des rafles.Mais pour Rocal c’est bien peu d’autant que cette approche conduit à conclusions déjà entrevues : le curé de Saint-Saud est prêt à lui reconnaître des qualités humaines incontestables à une près : son manque de courage quand Rocal l’aurait bien vu aller jusqu’au martyr pour proclamer son refus de l’hitlérisme. C’est bien le sens de sa position face grand sermon patriotique de l’évêque du 11 novembre 1944

. » L’évêque parle éloquemment. Dommage que les idées émises ce jour ne l’aient pas été avec cette netteté avant la Libération par notre évêque qui eût souffert évidemment, pour son patriotisme indépendant et courageux, la persécution des Boches. Mais quel eut été son rôle après la Libération ! Quelles directrices salvatrices pour son clergé qui, imitant l’attitude servile de l’évêque envers Vichy-Pétain intangible-alla trop loin dans la collaboration, scandalisa de nombreux fidèles et paya cher son attitude dans certains cas ».


La rencontre entre l’évêque et le capitaine aumônier en uniforme donne lieu à un dialogue révélateur des deux approches de la fin de l’Occupation21 aout : « L’évêque a le visage soucieux. Il est pâle.IL se tient en dehors des événements qui déferlent. Il réplique à mon récit que les basses rues occupent la place de la mairie. »


Une autre scène au grand séminaire où le Supérieur refuse au soir de la Libération de faire coucher le conducteur de sa voiture parce que le droit canon refuse la présence de laïcs. Et Rocal de se plaindre d’un irréalisme incompréhensible, là où il


Et d’ajouter par ailleurs que «  le diocèse devrait se féliciter de l’action des aumôniers qui seront sa protection contre un retour de l’anticléricalisme ».


Ces bien l’idée d’une occasion manquée pour réintégrer l’Eglise et faire reconnaître son rôle dans la cité après un demi-siècle d’anticléricalisme qui apparaît une nouvelle fois : la collaboration était déjà odieuse en soi mais allait à l’encontre des intérêts de l’Eglise. Rocal est dans une ligne que défend Albert Camus dans Combat à l’heure où se pose la question de l’épuration (16 septembre 1944 «  Nous demandons de la conséquence à des politiciens dont c’était la tradition de n’en jamais avoir. Comment passerions nous sous silence l’inconséquence d’hommes qui portent dans leur robe un des messages les plus purs que l’humanité ait jamais connus ?Comment ne leur rappellerions nous pas que pour un chrétien avoir peur c’est trahir. La vocation éternelle de ces hommes était d’affirmer que la force ne pouvait rien contre l’esprit qui refuse de la connaître. Leur vocation n’était pas de concéder et de temporiser, elle était de refuser et de mourir au besoin. Ils ont trahi leur vocation13 « .


L’automne 1944 voit le débat sur l’épuration du clergé prendre de fortes proportions. A Latreille en souligne le contenu et les paradoxes, notamment avec le rapport Bidault qui présente une liste dite « A » d’épuration et « B » de promotion. Attitude tout à fait incongrue quand on sait que depuis la loi de Séparation, ce choix incombait au seul pape

Mgr Louis ne figure pas sur aucune liste de proscription. Telle Contre lui Rocal dresse moins la liste des actes répréhensibles que des omissions., vraies déceptions d’un homme pour lequel il nourrit une vraie affection .


Le réquisitoire qu’il dresse contre les évêque se nourrit d’un autre argument, celui d’avoir laissé les prêtres dans la détresse faute d’avoir formulé une ligne claire.


Tout au long de la marche sur Royan Rocal rencontre des prêtres en difficultés avec les comités de libérationA chaque fois, en revanche, que son parcours lui fait croiser un curé en délicatesse et accusé de collaboration, c’est pour conduire une double action : l’aider à constituer un dossier crédible puis se rendre auprès des SR et autres cours martiales. Ainsi ces longs passages consacrés à la défense de l’abbé Gaudin, curé de Jarnac. Parfois aussi il rappelle ces confrères à une élémentaire prudence comme, le curé de Port d’Envaux : (sept) : »Je lui recommande la prudence et donc l’enlèvement immédiat de la francisq00ue de 3 mètres de hauteur qui décore son bureau.  .Mais note Rocal  c’est un pauvre homme qui mérite plus d’être plaint tant il est diminué physiquement et peu conscient « Le pauvre curé est déçu, navré. Cardiaque, il a un coup douloureux au cœur. Il me dit toutes les déceptions de sa vie. Ses conflits avec l’administration. Il me promet une prudence plus grande quoi qu’il ne convienne pas d’y avoir manqué.


Mais c’est à propos du curé de Corme Royal qu’il a la remarque qui résume au fond son opinion : la faute c’est d’abord celle des évêques  : « Même le bon curé de Corme avait des prédilections pour le Maréchal. L’épiscopat a manqué à son devoir en ne mettant pas ouvertement ou tout au moins en ne prévenant pas en secret le clergé d’adopter une attitude nette de résistance. Aussi le clergé est en généralité suspect aux meilleurs patriotes »


Car c’est bien ainsi qu’est Rocal : intraitable pour ceux qui ont entraîné l’Eglise dans le déshonneur mais fraternel vis-à-vis des petits qui se sont trompés. On pourrait noter que ce comportement, opposant curés et évêque ressuscite la vision richériste qui au XVIII° siècle qui opposait hiérarchie et clergé paroissial . Mais surtout il faut ici noter le viel engagement dans le Sillon au début du siècle.


Michèle Cointet, Nouvelle histoire de Vichy14, s’intéresse de près à cette frange des catholiques qui jouèrent dans le premier Vichy un rôle où , républicains, ils crurent voir dans L’Etat français l’occasion de réconcilier leurs convictions et de participer à une œuvre de rénovation en profondeur. Elle montre aussi comment l’évolution du régime les conduisit à s’en séparer.


Cet itinéraire est beaucoup celui d’un Rocal. Curé démocrate, militant passionné du Sillon dont il fut, avec Sigala, un des chefs de file en Dordogne, il tenta d’ »en appliquer les grandes orientations pastorales dans cette commune du Périgord Limousin où il avait été envoyé l’année d’après la condamnation du Sillon, en 1911. Assorti de fortes considérations militantes développées dans son bulletin contre la franc-maçonnerie, la laïcité militante ou le socialisme athée, cette action tourna court au point que le jeune curé se trouva confronté à une véritable émeute au moment de la déclaration de guerre. Dès lors la page fur tournée : l’écriture le conduisit à l’observation des paysans et à la réflexion sur leur émancipation au point qu’il devint l’un des laudateurs d’Eugène le Roy et prononça au moment de l’érection de sa statue à Montignac en 1926 un sermon si dur contre les riches qu’il y gagna le surnom de « curé rouge ». Il se tourna vers l’histoire, fut décoré de la légion d’honneur Yvan Delbos étant MEN.


En fait la lecture de ses œuvres les plus engagées le montre proche de cette troisième voie qu’appelait le corporatisme et Vichy.. Mais nous savons aussi combien dans sa foi dans la patrie excluait radicalement toute collaboration.


Dans la Résistance, il ne devait cesser de remettre en avant cet idéal . Ainsi de l’analyse des discours entendus à Lourdes en décembre dont il évalue la qualité à l’aune de leur contenu de propositions sociales. D’où bien sûr l’immense joie d’entendre’ celui dans lequel il aurait voulu que tous les évêques prissent modèle, mgr Saliège .

 

 

 

Conclusion


Le mois de décembre 1944 voit la fin de la Brigade Rac mais non la fin des activités d’aumônier pour Rocal. Celles-ci s’exercent désormais à une autre échelle compte-tenu des responsabilités qui lui sont confiées sur le front de Royan par le colonel puis général Adeline dont les témoignages sur Rocal seront éloquents. Au-delà, nous l’avons évoqué , l’abbé aurait très volontiers accompagné l’occupation de l’Allemagne voyant en cela une manière de récompenser trente années si difficiles auprès de ses paroissiens.


C’est dire que l’engagement patriotique est essentiel et commande tout. Rocal a soutenu que le relèvement d’un pays comme la France ne pouvait se faire qu’à deux conditions : prendre la revanche sur les Allemands et reconstruire une société sur des bases plus morales puisque la déchristianisation et la Séparation avait été à l’origine du déclin de la Fance et de sa défaite de 1940. Mais pour être crédible dans sa parole il fallait régler la question de l’épuration épiscopale. En agissant comme ils l’avaient fait ,les évêques portaient une lourde responsabilité. C’est bien cette question qui domine fin 1944 : ce sont les catholiques au pouvoir à travers le MRP, mais aussi ceux qui dans les mouvements chrétiens.


Notons enfib ce point décisif. L’hostilité vis-à-vis des aversaires qu’il qualifie de Boches, Rocal n’écrit jazmais le terme de nazi pour les qualifier. Jamais. C’est dire aussi que la question militaire peut renvoyer à la ibération pour examiner le cas. Et ils ne sont pas tendre avec les évêques soupçonnés le plus gravement de collaboration comme le montre A Latrielle15 dans son rapport : G Bidault, chef de file du MRP dresse ainsi deux listes : d’une part ceux que leur action a radicalement disqualifiés ; ceux au contraire qu’il faut promouvoir et parmi lesquels figure Jean Sigala.

 

Rocal incarne cette face de l’Eglise instituée que représente la génération de la Séparation dont le sentiment était que l’institution pouvait jouer un rôle clef dans la rénovation sociale pour laquelle la mouvance démocrate chrétienne a enfin trouvé par la Résistance une vraie reconnaissance. Son sentiment était que cette mission était sans cesse à reconquérir par le témoignage avant la parole fût-elle de Dieu. L’aumônier devait en assurer la permanence mais le prêtre militant du Sillon savait que, pour être entendue elle passait par la capacité d’exemplarité, de courage et de fraternité des hommes qui la portaient. Là est le sens pour Rocal d’une présence de l’Eglise dans le maquis.-De ce point de vue son attitude incarne celle d’un certain catholicisme démocrate de 1945 : pour un chrétien militant, la tiédeur de la hiérarchie est un peu la forme suprême de la trahison. Remarquons enfin que Rocal parle mal des allemands et ne peut en parler en employant le qualificatif de Bôches. En même temps de livre journal ne les qualifie jamais de nazis : ce sont des « soldats boches «commettant des atrocités qu’il faut bouter hors de France. C’est bien de combat pour la nation abaissée où l’ancien combattant patriote a la première place mais où le disciple de Sangnier est heureux du contact quotidien, avec des hommes à qui il faut donner des points de repère.

 

 

1 Le premier de ces cahiers sera publié au cours de l’été au Centre Georges Rocal

 

2 Jean SIGALA, (1884-1954),Périgueux, Dubreuil, 1954 donna l’abbé Julien l’occasion d’exalter le Sillon)

 

3 G ROCAL, Croquants du Périgord

 

4 G ROCAL,D eBrumaire à Waterloo en Périgord, Flour, 1942 « Si tu avais fréquenté ma solitude paysanne, tu comprendrais la forme de mon labaur et tu absoudrais l’importune présentation de mes travaux »

 

5G ROCAL,Les vieilles coutumes dévotieuses et magique,, 1933,

 

6

 

7

 

8 Du theillet de la Mothe, la Brigade Rac

 

9 G ROCAL, L BOUILLON, Mémorial (1884-1954).Mémorial, Angoulême, Coquemard, 1954 p.37p

 

10

 

11 Journal, p35, l’équipée de Port d’Envaux

 

12 Golias

 

13 A CAMUS

 

14 M Cointet, Nouvelle histoire de Vichy

 

15 A LATREILLE

 



21/06/2012

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